Sur le front – 10 février 1916
Janvier 1916 nous laissait espérer de bonnes nouvelles de «chez nous». Chaque jour nous attendions avec impatience la liste des rapatriés… le mois se passa…. Et rien.
Des 20 000 réfugiés…. Pas un du «pays» pour nous apporter la note consolante d’un souvenir…. Le moindre écho des chers nôtres.
Si un instant nos espoirs furent déçus, notre confiance n’en est pas moins restée inébranlable … et nous n’avons pas pour cela ressenti le moindre découragement.
De temps à autre un «veinard» m’informe qu’il vient de recevoir de bonnes nouvelles de «chez lui» et que ces quelques lignes écrites par sa femme l’ont réconforté. N’est-ce pas un motif pour nous d’espérer qu’un jour nous aurons notre tour.
Mais qu’apprenons-nous?
La mort de madame Fleury Masson, madame Baitry, madame Alexis Guillaume, madame Soyeux Warnet.
La mort de mademoiselle Madeleine du pensionnat de jeunes filles; nous nous rappelons avec quels soins dévoués elle traitait nos chers petits confiés à sa garde.
Par ici de la barrière, c’est la mort de notre regretté et vénéré monsieur Caudron décédé à Lisieux.
La mort de monsieur Holoye Piette (le père de madame Saubercies) réfugié à Tours.
Pour ces défunts qui nous sont chers par le souvenir, nous adressons à Dieu nos humbles prières.
Dans nos rangs, c’est la mort de Léonce Chatry sergent au… tué à Tahure fin septembre dernier. Les deux fils Leturque en Champagne; Charles Fleury de Noircourt tué par un éclat d’obus au cours de sa traversée en Méditerranée ; Albert Saubercies (fils de madame Saubercies), brancardier tué le 21 janvier 1915.
Nos vaillants soldats morts pour la Patrie ne seront pas oubliés non plus.
A côté de ces deuils, toujours pénibles à apprendre, c’est avec plaisir que nous enregistrons les citations suivantes qui font honneur au Pays.
Monsieur le capitaine Herbin du 1er régiment d’infanterie coloniale.
«Le 1er septembre 1915, a pris le commandement du bataillon, l’a entraîné à l’assaut des positions ennemies de 1ere ligne, blessé grièvement en entraînant sa troupe le 29 septembre à l’assaut des 2ème lignes»
Citation Le sous lieutenant René Listre, de la 101ème batterie de bombardiers, vient citer à l’ordre de la brigade avec le motif suivant:
«Le 16 septembre 1915 a commandé le tir de ses canons sous un bombardement extrêmement violent avec un calme et un sang froid remarquable, communiquant à ses hommes un entrain et un courage au feu dignes des plus grands éloges».
Médaille militaire : La médaille militaire est concédée à Nattier André, caporal au 154ème régiment d’infanterie;
«S’est toujours distingué par son sang froid et son esprit d’initiative dans les moments critiques ; blessé grièvement à son poste le 16 septembre 1915; amputé de la cuisse gauche».
A tous ces braves, les «échos» adressent ses plus vives et sincères félicitations.
Voici maintenant quelques adresses nouvelles de nos «poilus» ou changements survenus depuis ma dernière liste.
Etienne Aosmann T.M.216 pour courrier auto; bureau militaire Paris
Emile Lambert 61ème artil. 5ème batt. Secteur 35
Edmond Courtois Fourrier, 8ème génie télégraphique secteur 98
Raymond Cosson 8ème génie détacht télégraphique secteur 36
Alfred Lagneau 245ème infant. 18ème comp. Secteur 99
Bernier Paul 15ème territ. 2ème comp. Secteur 175
René Charlier 245ème infant. 12ème comp. Secteur 99
Renaud François(mon employé) Conducteur convoyeur Bat A la Pert Dieu Lyon
Alfred Catherain de Lislet (dont on était sans nouvelles depuis la mobilisation) 29ème régiment d’artill. 23ème batt. Secteur 109
Deflorenne Alfred passé à l’hôpital n° 10 Aix les Bains (Savoie)
On me demande les adresses de Pierre Hennegrave et Raymond Chandorge. Je compte sur votre bonne volonté pour me tuyauter et rendre service aux amis.
Je vois sur le journal «L’Aisne» de cette semaine cet entrefilet consolant pour nous qui nous laisse encore espérer.
Monsieur Augier, conseiller d’état, directeur au ministère de l’Intérieur , chef du service des internes civils, est venu de l’Argonne nous informer :
Qu’un accord est intervenu avec l’Allemagne pour le rapatriement:
A ) toutes les femmes et enfants (sauf naturellement celles qui veulent rester).
B ) Tous les hommes valides de moins de 17 ans et plus de 55 ans.
C) Tous les civils malades, incurables, infirmes etc. … pour autant qu’ils soient inaptes désormais à tout service.
Ces rapatriements se feront massivement.
Mais sans doute voudriez-vous pouvoir tenter une démarche pour faire savoir à votre famille que vous étiez désireux.
Un de nos bons amis va nous tirer d’embarras et nous indiquer «le filon».
Adressez une demande respectueuse à son Excellence Monsieur l’Ambassadeur d’Espagne, rue de Courcelles à Paris.
Il vous sera répondu aussitôt, et vous pourrez compter sur la bienveillance de l’Ambassade qui fera toutes vos démarches.
Et puis !……………A la grâce de Dieu !.
C’est avec plaisir que nous apprenons que notre vénéré vicaire, Monsieur l’Abbé Galice, prisonnier en Allemagne est en bonne santé.
Si de nos réfugiés avaient l’intention de correspondre avec notre vénéré pasteur, «les Echos» se feront un plaisir de leur donner son adresse.
Pour terminer, donnons une liste des «poilus» de Montloué.
Albert Carlier 18ème chasseur, 12ème escad. La Motte/Heraye (deux Sèvres)
Marcel Duchesne 2ème artillerie lourde, 39ème Batt. Secteur 7
Beudy 15ème territorial, 1ère cie. Secteur 175
Sinet 15ème territorial, 2ème cie. Secteur 175
Paul Carlier 15ème territorial, 4ème cie. Secteur 175
Woimant 5ème territorial, SHR Secteur 175
Sinet Gaston 3ème artillerie, cie 109, Bat. De 58 Secteur 171
Legris Armand Brig. Maréch. 29ème règiment d’ artillerie 29ème batt. Secteur 161
Defrise Gaston 215 inf., 27ème cie. Kerentreh prés de Lorient
Lieut Gabriel Bertrand 246 inf. 18ème cie Secteur 134
Blondelle Bernard 61ème artil. 9ème Bat. Secteur 35
Semper Maurice 4ème Hussard , 1er escad. Secteur 37
Lefevre Armand Brig. Nav. 8ème SM et 17ème artil Secteur 36
Legrand ( cultivateur à Magny ) prisonniers
Gosset fils (cultivateur à Montloué)
Wahu (prés de Cologne)
Les échos «de chez nous» comptent toujours sur la bienveillante collaboration de ses lecteurs et lectrices. Tout nous intéresse quand on parle «du pays». Rappelons-nous qu’en Orient, comme en Algérie, nous avons des amis qui souffrent plus que nous de l’absence de nouvelles. Adoucissons leur peine par quelques bonnes et réconfortantes lettres. N’épargnez ni votre temps ni votre peine pour leur écrire…. Ou pour nous donner les moindres détails que vous savez… et que les échos iront porter au loin…. Bien loin… tout là-bas….
Que nos pensées et nos prières les accompagnent …surtout en ces heures graves….
Allons ! Bon courage ! …..et confiance… toujours!
H Romagny