L'éxode de la seconde guerre

 

 

Evacuation

 

En l’année 1939, l’atmosphère internationale était plutôt orageuse. Il n’était question que de guerre, Hitler l’avait préparée de longue date ; il était prêt ; nous ne l’étions pas.

On parlait de mobilisation. Devançant l’heure fatale, nous quittons Laon pour le Moulin de Prouvais, ne voulant pas laisser Maria (sa belle fille) seule. En nous voyant arriver, on souriait. Pas longtemps. Ordre de mobilisation : Pierre (son fils) part, nous sommes fin août.

De Sapogne, Pierre nous écrit « on distribue des armes, espérons n’avoir jamais à nous en servir… » ; Hélas !

Au Moulin, tous à l’ouvrage, chacun fait de son mieux. Prouvais est occupé par la troupe. On prend de temps en temps 2 ou 3 soldats pour des gros travaux. Pierre est en ligne dans la Meuse ; service postal mal assuré.

Le 3 septembre, la maison du 20 rampe Saint Marcel à Laon est réquisitionnée par les services du ravitaillement (Etat Major) ; les pièces sont transformées en bureaux. Une chambre fermant à clef renferme le mobilier ne servant pas aux secrétaires. Du 25 aout 1939 au 16 mai 1940, nous restons au Moulin, soit prés de 9 mois. L’hiver est particulièrement terrible, le thermomètre descendra à 20° au dessous de 0. Noémie (sa femme) et Marie Thérèse (ma mère) tombent malades : bronchite. Je m’écrase le petit doigt dans une poulie du monte charge.

L’horizon international s’assombrit de plus en plus. La Belgique est violée, les troupes allemandes franchissent les frontières. Le gouvernement belge s’installe à Vichy le 3 juillet 1940. Dans les Hautes Meuses, Pierre, observateur d’artillerie est blessé le 17 septembre et évacué. Sa batterie reçoit le premier choc. Il avait été convenu entre Pierre et Maria, que les correspondances seraient relayées par un cousin, à le Tronquay (Eure). Excellente idée, comme on le verra par la suite. C’est là que nous devions trouver du courrier, lettre de Pierre en date du 20 mai, alors que nous n’étions plus à Prouvais.

C’est qu’en date du 16 mai, tout le village était désert, nous étions les derniers à prendre la route pour fuir devant l’ennemi cruel et sans pitié. A la grâce de Dieu !

Maria ouvre les portes des étables, des cabanes à lapins et lâche les volailles. En route pour l’inconnu, Charriot chargé de malles contenant des effets, du linge, de la nourriture pour les gens et les chevaux, Noémie, Maria, Marie-Thérèse et moi, Robert le domestique conduisant l’attelage : c’est l’exode !

16 mai 1940 – Départ de Prouvais vers midi, évacuation hâtée de la région en longs convois. Passons par Pontavert, et arrivons vers 21 h à la ferme Pincon, prés de Longueval ; couchons dans l’étable, les chariots de la ferme venant de partir.

17 mai – Beau temps ; départ vers 10h1/2 ; Mont Notre Dame ; arrivée à Tannières vers 16 h. Les patrons, Mr Leroux partent en auto ; couchons dans les carrières.

18 mai – Départ 5h30 vers Branges, Rosay saint Aubin, arrivons à Marizy Saint Mard vers 16h. Les patrons chargent un chariot.

19 mai – Journée à Marizy, Château Thierry bombardé.

20 mai – Départ à 3h30 du matin avec la famille Deschamps. Déjeuner à la Noue, entrons en Seine et Marne et couchons à Boitron.

21 mai – Arrivons aux Saules prés Rebais. Séjour.

26 mai Départ vers 12h30 et arrivons aux Herbiers vers 18h. ; couchons dans un lit.

27 mai Départ vers 9h30 ; coucher à Yèbles dans un hangar.

28 mai – 6h30, départ pour Melun et arrivons vers 11h, centre d’accueil et couchons dans un hôtel.

29 mai – Messe et courses ; départ à 11h et arrivons à La Ferté-Allais, couchons dans un hangar.

30 mai – Départ pour Harpagon ; Déjeuner à Avrandolle, arrivons à Saint Arnoult (Seine et Oise)

31 mai – Messe, ferrage des chevaux, couchons à l’hôtel. C’est par la radio que l’on entend l’appel du contingent 40.

1° juin – 7h30, partons pour Epernon où nous déjeunons prés d’un moulin (Eure et Loire), passons à Nogent le Roi et couchons à Charpon dans une belle ferme abandonnée.

2 juin – 9h30, départ pour Dreux.

4 juin – Arrivons à Graveron (Eure), chez un cousin de Maria. Reçu une lettre de Me Sinet disant qu’elle n’a aucune nouvelle de nous et qu’elle angoisse. Nous pensions pouvoir rester en famille, mais ici les réfugiés de l’Aisne sont interdits.

5 juin – Départ vers 11h pour Menneval ; arrivons dans un château avec des chevaux de courses.

6 juin – Partons vers 7h et couchons à Notre Dame de Coursons (Calvados) Vallée d’Auge, site admirable !

7 juin – Déjeuner à Tortisembert prés de la grotte de N.D. de Lourdes ; Eglise ressemblant à celle de Résigny, le carillon étant identique ; arrivons à Montpinçon où nous pensons rester.

8 juin – Occupons une maison abandonnée.

9 juin – 1h du matin, arrivée surprise de Pierre.

12 juin – Sommes toujours à Montpinçon ; presque chaque jour, je vais à Tortisembert, le paysage est grandiose vu de la pâture ; plus de poste !

15 juin – Noémie perd la pierre de sa bague de fiançailles ; le soir, en me promenant, je la retrouve ! 

16 juin – En pleine nuit, animation extraordinaire et vers 3h30 du matin, départ précipité ; couchons à Fresnay-au-Sauvage, village presque abandonné, couchons dans la paille. Rencontre avec des réfugiés de Trouville.

17 juin – Arrivons à Bray vers 16h ; rencontre d’une première moto allemande ; moment poignant et tragique pour Pierre qui eu tout juste le temps d’endosser un costume civil et de fuir à travers bois.

18 juin – Retour de Pierre ; séjour chez les fermiers Berrier, prés de Carronge.

29 juin – Départ ; déjeuner à la Ferrière-Béchet, couchons à Gâprée dans une maison abandonnée.

30 juin – Départ pour Malétable ; l’église est bizarre.

1° juillet – Départ vers 4h30 et couchons dans un hangar à Ardelles.

2 juillet – Couché à Dreux dans une maison abandonnée

3 juillet – Passons par Epernon bombardé

4 juillet – Arrivons en Seine et Oise à Sonchamp dans un camp ; vie spéciale sous la botte allemande, dans les hangars d’une grosse ferme.

14 juillet – Nous sommes conduits au camp de Méréville, dans un château, et couchons sous le chariot.

15 juillet – Départ pour le camp de Malesherbes où les chariots sont mis en plein champs.

16 juillet – Sommes conduits au camp de Nemours, dans des baraques qui donnent une sale impression, avec de biens tristes spectacles ; que d’efforts pour ne pas haïr.

19 juillet – Départ pour le camp de Ville Saint Jacques.

5 août – Dissolution du camp, on quitte le château pour le village de Ville Saint Jacques.

18 août – Départ de Ville Saint Jacques ; couchons dans une belle ferme à Forges.

19 août – Couchons à Mouroux dans un grenier.

20 août – Couchons à Etrepilly (sud de l’Aisne) ; passage de la Marne laborieux à Azy sur Marne ; vallée de la Marne splendide.

21 août – Arrivons à Tannières, couchons dans une maison.

25 août – Messe à Braine, fête Notre Dame, église ultra moderne.

26 août – Départ de Tannières, couchons à Cormicy dans une ferme.

27 août – Arrivons à Variscourt (Aisne). Mais il est « verboten » d’aller plus loin.

Roger (mon père) viendra plusieurs fois au pont de Neuchatel gardé par les Allemands.

Nous sommes installés à la ferme Gandon et y séjournerons 2 mois.

Deux démarches à Saint Germain en Laye, état major allemand pour demander un permis de rentrer en zone interdite barrée par la ligne de démarcation : le canal, l’Aisne, Guignicourt, à 5 km de Prouvais, chez nous.

Pierre obtient une autorisation pour Guignicourt, parvient à rejoindre la ferme du Moulin de Prouvais, et ne revient pas.

Maria obtient la permission de passer le pont de Neuchatel pour aller voir le docteur, et ne revient pas.

Marie Thérèse passe la zone à travers une pâture, et trouve une auto qui l’emmène  à Résigny.

Chariot, bagages et chevaux sont demandés par le chef des cultures français, passent le pont de Guignicourt, où Pierre les attend pour repartir sur Prouvais.

1° novembre – Grace à l’éclusier de Pignicourt, je passe le canal avec Noémie et arrive à Neuchatel, profitant de l’inattention de la sentinelle qui fait des allées et venues le long du canal, de l’écluse au pont.

Libérés, nous voila à Prouvais ! Déo Gratias !

Henri Romagny

 

 


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