Dans le livre, page 122 :

 


Maintenant, je prépare l’édition des «  échos de chez nous », résumé d’une année des éditions mensuelles parues au cours de la campagne.


Cet "échos de chez nous" fut imprimé à Paris en mai 1916 et distribué en France libre et sur le front.

 

ÉCHOS DE

 

CHEZ NOUS

 

A nos Amis des Armées et chers Réfugiés(Sur le Front,1er' Mai 1916)

Le 25 juin 1915, une modeste feuille polycopiée dans le fond d'une « cagnia » prenait naissance dans les bois de X...

Grâce à la collaboration de nos dévoués compatriotes, il nous fut possible de reconstituer en partie la famille Montcornutoise dispersée aux quatre coins de la France, voire même au delà des mers. C'est ainsi que nous pûmes nous entretenir du « Pays envahi », parler de nos chers absents, nous tenir au courant de « ce que nous devenions » au milieu de la tourmente.

Bientôt la petite feuille « des bois » prit de grandes proportions, les demandes furent nombreuses, mais aussi le tirage plus difficile. Aussi est-ce pour répondre au désir de tous, que nous allons recourir à l'imprimerie et résumer dans ce premier numéro spécial les quelques informations glanées ça et là qui ont paru au cours de ces vingt-deux mois de guerre.

Rappelons d'abord qu'au début de leur apparition, les Échos firent part à nos premiers lecteurs d'un projet qui prit bientôt l'importance d'un vœu : celui d'organiser dans la cité délivrée une fête eucharistique, et que notre vaillant ami le capitaine leurs, tombé au champ d'honneur, résumait en ces termes dans le numéro du 25 août 1915 : « Organiser quand même, quel que soit le temps et les circonstances, une manifestation locale de reconnaissance au Dieu que nous voulons servir, et à qui nous reportons l'issue prochaine ou éloignée de nos épreuves, et cela dans la huitaine du retour », voilà qui est clair et précis. • Pouvons-nous nous y refuser?

Serait-ce trop de manifester publiquement notre foi?... .cette foi qui nous soutient aux heures graves.

Serait-ce trop de remercier ce Dieu d'amour, qui, durant ces longs mois de cruelle séparation, aura protégé, consolé, les êtres qui nous sont chers... et que nous espérons revoir bientôt?

Serait-ce trop de prier pour nos frères d'armes laissés sur le champ de bataille ou dans quelque pays d'exil?

Serait-ce trop de témoigner toute notre reconnaissance, de manifester toute notre joie du retour au sein de la famille que nous voulons consacrer au divin Cœur de Jésus?

Puissions-nous tous être présents au rendez-vous.

Un jour vint où les Echos s'en furent faire un voyage parmi les réfugiés..., voyage qui fut renouvelé d'ailleurs il y a quelques semaines.

Tous les mêmes, nos chers réfugiés, s'accommodant joyeusement aux difficultés de la vie plus que modeste qu'ils partagent en famille. Partout le même accueil bienveillant, les mêmes intentions délicates, le même désir de faire goûter à leurs permissionnaires les douces joies du foyer abandonné.

Que de dévouements ignorés ! Marraines de guerre apportant « aux filleuls » les paroles réconfortantes, se privant quelquefois du nécessaire pour adresser « aux poilus de chez nous » le vêtement chaud pour l'hiver, le petit colis de douceurs joyeusement accueilli.

Ouvrières volontaires se mettant au service des œuvres pour nos blessés, pour nos prisonniers.

Dames de la Croix-Rouge visitant nos hôpitaux, etc... Nous leur en exprimons toute notre reconnaissance.

Et puisque nous sommes sur le chapitre des bienfaitrices, me serait-il permis de consacrer ici quelques lignes en faveur d'une Bienfaitrice, qui commence à faire beaucoup parler d'Elle, surtout depuis la guerre. Je la recommande à nos frères d'armes, à nos réfugiés, à ceux qui souffrent.

Son nom? son adresse? « Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face », du Carmel de Lisieux.

Grâce à la générosité d'une de nos réfugiées, admiratrice de la petite Sœur, nos amis purent (et peuvent encore), par l'intermédiaire des Echos, se ravitailler en souvenirs, et porter sur eux les précieuses reliques. Tous aiment à invoquer aux heures d'ennui, et surtout à l'heure du danger, Celle qui promit « de passer son Ciel à faire du bien sur la terre ». Voulez-vous être édifié... parcourez les tomes I, II, III et IV des Pluies de. Rosés ou grâces et guérisons attribuées à l'intercession de Sœur Thérèse, et vous verrez que ce n'est pas en vain qu'on l'invoque.

Mes chers amis, si, au plus fort de la lutte, nous voyons autour de nous tomber, pour ne plus se relever peut-être, nos frères d'armes... si nous-même venons à être blessé... si nous sommes sur le point d'être rayé des contrôles du régiment... pour passer en subsistance dans l'Eternité .. Rappelons-nous.

Et vous, chers réfugiés, si quelquefois dans l'exil vous éprouvez un peu de lassitude, si vous êtes sur le point de vous laisser abattre par le noir découragement, lisez « l'appel aux petites âmes », suivez « la petite voie d'enfance spirituelle » que nous trace la servante de Dieu, vous en tirerez le plus grand profit... Rappelez-vous.

Mes Impressions dans la modeste chapelle de Jehanne d'Arc au pied de l'autel de .,.„

Tel est le récit que les Échos donnèrent en supplément en décembre 1915. Ce n'est pas sans émotion que nous lirons ces lignes, écrites, dans quelles conditions, par notre ami Arthur Carlier, tombé au champ d'honneur. Laissons-lui la parole...

« C'est du fond de la tranchée, dans ce coin le plus dangereux du secteur, au milieu d'un bombardement continuel, où le plus souvent il faut interrompre sa lettre pour se garer, que je vous l'adresse...

(On se rappelle que c'est dans ce secteur que notre vaillant ami fut tué, dans la nuit du 16 au 17 octobre, par un minnenverfer.)

« Parmi les épreuves que nous traversons, il est encore pour nous, âmes chrétiennes, des moments de douce tristesse, c'est vrai, mais quand même de douce émotion.

« Je voudrais précisément tracer ici ces délicieuses minutes de recueillement que j'ai passées dans « la chapelle Jeanne d'Arc ».

« Dans un de nos petits villages de la vallée de l'Aisne, avant la guerre si vivant et si animé, aujourd'hui détruit par les bombardements, des mains pieuses et dévouées des soldats du Christ ont enlevé de l'église menacée (et déjà atteinte même) l'autel et tous les objets du culte, pour les transporter dans une cave aménagée en un modeste sanctuaire placé sous l'égide de la sainte Libératrice de la France.

« Et là, à l'instar des premiers chrétiens de Rome qui se réfugiaient dans les catacombes, malgré le bombardement et la mitraille qui semblent vouloir anéantir tout ce qui est de l'homme, l'âme chrétienne peut encore « s'isoler » et «vivre » quelques instants avec son Créateur et Maître.

« Au milieu d'un délicieux cadre de verdure, harmonieusement préparé par le génie de nos soldats, l'autel a été de nouveau érigé. Là, j'ai goûté bien des fois ce bonheur de me retrouver aux pieds du Divin Crucifié, aux pieds de la douce Vierge Marie, aux pieds de la bienheureuse Héroïne, libératrice de la France.

« Là, j'ai égrainé mon chapelet; oui, j'ai prié pour tous nos camarades du front, j'ai prié pour notre France, j'ai prié pour sa délivrance, et pour celle des «êtres chers » qui sont restés « là-bas ». Enfin, j'ai prié pour ceux qui, hélas, dorment glorieusement leur dernier sommeil à l'ombre du drapeau tricolore.

« Là, dans la solitude et le recueillement, l'âme sensible et chrétienne, détachée un instant des « matérialités de la vie », oubliant pour un instant toutes ses misères, se plaît à vivre en communion avec son Dieu et, par Lui, avec toutes les âmes aimées et sœurs dont la sépare les distances.

« J'en appelle à vous, qui croyez encore — si parfois vous éprouvez un sentiment trop poignant de l'angoissante réalité ; si vous sentez naître chez vous un symptôme de lassitude et le besoin d'un peu de calme au milieu du bouleversement actuel des choses, et parmi la mitraille qui vous résonne continuellement aux oreilles, cherchez la planche de salut — oh! n'hésitez pas; soyez de vaillants chrétiens pour être de vaillants soldats ; allez vous agenouiller au pied de l'autel ; si votre cœur vous oppresse, jetez vos supplications au Dieu de miséricorde qui vous comprendra, restez quelques instants ; essayez de prier quand ce ne serait qu'intérieurement, et vous vous relèverez certainement avec un cœur plus fort, mieux armé, plus confiant dans l'avenir, et par là, plus sur de vaincre.

« Et c'est ce qu'il nous faut pour la victoire prochaine tant désirée.

« Arthur CARLIER. »

Et maintenant, mon cher ami, qu'à, votre tour vous dormez votre derniersommeil à l'ombre du drapeau tricolore... Maintenant que votre belle âme contemple dans un face à face éternel « le Divin Crucifié », « la douce Vierge Marie » et « la bienheureuse Héroïne libératrice de la France » que vous invoquiez dans cette modeste chapelle Jeanne d'Arc, érigée dans une cave de C...,
continuez à prier pour la France... pour les êtres chers restés là-bas... priez pour nous...      H. R,

CE QUE NOUS SAVONS...

CE QUE NOUS POUVONS DIRE...

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Ce n'est qu'en mai 1915 seulement que nous parviennent les premières nouvelles de « chez nous ».

Grâce à nos rapatriées comme aussi aux rares correspondances d'outre-Rhin, nous pouvons compléter nos informations... parler « du Pays envahi », nous entretenir des chers nôtres.

Comment retrouverons-nous Montcornet? les envahisseurs laisseront-ils subsister les améliorations qu'ils apportèrent durant ces longs mois d'occupation : Trottoirs neufs, halle .fermée, place pavée, installation du gaz, éclairage électrique, etc..., ou tout cela disparaitra-t-il avec eux? Cruelle énigme!

Sans augurer de l'avenir, considérons le passé. —Dès le début, nos familles eurent à souffrir des privations... du premier contact des occupants... Les maisons inhabitées subirent le malheureux sort que nous savons, les autres demeures furent respectées, les habitants non inquiétés.

Petit à petit, une organisation nouvelle se créait, notre cité voyait s'établir des hôpitaux, des ambulances, des infirmeries dans les maisons vides. Des magasins d'approvisionnements allemands s'installèrent, des cafés germanisés s'ouvrirent. Un Comité hispano-américain, sous le contrôle de M. petit, faisant fonction de maire, et M. Paul BONTEMPS, ravitaille la population.

Le service d'ordre est assuré par nos concitoyens Reycoudier, Guibert et Georges Deck, gardes civils.

Notre vénéré doyen continue à dire la messe, portant à nos familles les secours et les consolations de notre sainte religion. Un prêtre allemand et un pasteur protestant assurent les services religieux aux troupes du Kaiser.

Notre distingué instituteur, M. Leroy, et son adjoint, font la classe aux garçons; Mlle Hervieu et ses adjointes, aux jeunes filles.

Quelques-uns de nos concitoyens furent emmenés en captivité. Citons : M. G. Dussart (décédé en Allemagne, le 4 mai 1915), M. Lagasse (maréchal, de retour au pays), MM. Gaspard, Boudesoque, Manteau (le facteur), Chevassus et Charles Tassin.

Notre estimé vicaire, M. l'abbé Galice, ainsi que notre compatriote Mme Peyron et ses enfants, furent également internés en Allemagne. Pour quelles raisons? Ne cherchons pas à le savoir, mais réjouissons-nous de savoir que Mme Peyron a été rapatriée en France, fin 1915 — et que nous attendons, chaque jour, la bonne nouvelle du retour à Montcornet de notre vénéré pasteur.

Notre sympathique docteur Peyron, médecin-major, fut également fait prisonnier. Revenu en France, lors des échanges, il sert de nouveau son pays, mettant au service de la Patrie ses connaissances médicales et son dévouement.

Quelques-unes de nos Montcornutoises connurent également les camps de concentration. Internées d'abord à Vervins, en mars 1915, elles furent emmenées en Allemagne, et rapatriées en France, en mai 1915.

De là, elles furent dirigées à Saint-Julien, par Blacée (Rhône). Citons : Mme Gabrielle Patat, Mme Décorée, Mme Maupas, Mlle Yvonne Moreau, Mme Barbier et sa fille, et Mme Vitasse.

Pendant que les majors allemands apportent à nos malades les soins nécessaires, nous voyons Mme Leurs et Mlle Dosmann, sa sœur, se prodiguer auprès de nos chers petits. T

Qu'il nous soit permis d'offrir à nos dévouées compatriotes le témoignage de notre profonde reconnaissance.

Nécrologie. — Sont décédés à Montcornet : Mme Jules (épouse du méca­nicien de la sucrerie), Mme Victor Lépissier, M. Fromage, la mère de M. Toulouse, Mme Fleury-Masson, Mme Baitry, Mme Alexis Guillaume, M. Soyeux-Warnet, Mlle Flavie Guyot et Mme Guyot (sœur et mère de Mme Menu, réfugiées chez Mme Romagny), Mme Bédu et M. Carpentier-Tassin.

Naissances. — On m'excusera de ne pouvoir citer les noms de ces chers petits, je n'indiquerai que les noms des heureuses mamans : Mme Paris, Mme Lambert (J.Tourtois), Mme Riart, Mme Dosmann. Nous savons que mères et enfants se portent bien à l'heure actuelle.

Une de nos réfugiées, amie des Echos, me fit part d'une lettre que lui adressa jadis un grand blessé rapatrié, je la reproduis en partie :

« Ayant été blessé le 14 octobre 1914, je fus conduit à Montcornet le 21, dans la propriété de M. Froment, rue de la Gare, servant d'hôpital.

« Lorsque je.fus guéri, M. le chancelier de Bade, directeur des hôpitaux de Montcornet, me mit en liberté, et à la charge de la commune... Je fus placé chez M. Bien (café de la Gaîté), et c'est à la date du 22 février 1915 que j'ai quitté Montcornet.

« Les Allemands n'avaient fait aucun acte de méchanceté au public... Au contraire, ce sont eux qui ravitaillent la population, en fournissant : pain, sucre, riz, savon, et les habitants avaient encore des réserves... Aussi tout me fait penser qu'à l'heure actuelle, la population a facilité de se ravitailler avec eux, plus facilement qu'en Allemagne. »

Ainsi que le témoigne cette lettre, nos chers compatriotes avaient à l'époque leur nécessaire.

 

 

 

 

 

IIe  PARTIE

CE  QUI SE  PASSE  ICI

Si, dans la première partie de notre « journal », les informations furent assez difficiles à obtenir, il n'en sera pas de même pour ce qui va composer les pages suivantes, nos lecteurs étant eux-mêmes les collaborateurs assurés des Echos.                                                                                       -

Nous n'avons plus ici à entrer dans les détails, nous nous bornerons tout t simplement à enregistrer les événements heureux ou malheureux qui nous ont été communiqués par nos amis.

A.  -  CHEZ   NOS   REFUGIES

Morts en exil :

M. Louis Jurion, hôpital de Lariboisière, le 12 mai 1915.

 M. Fleury, notaire à Rozoy-sur-Serre, réfugié à Paris.

M. Martinet, directeur de la Société Électrique d'Agnicourt, décédé subitement en Normandie.

M. Hachard-Chédaille, suite de longue maladie, à Nîmes.

M Holoye-Piette (père de Mme Daubercies), décédé à Tours.

M. Ferdinand Bontemps, décédé à Paris, le 6 octobre 191S.

M. Gaudron, décédé à Lisieux.

Mme Garlier-Pierret, décédée à Brée, par Montsurs (Mayenne).

Aux familles éprouvées, nos profondes condoléances.

Naissances.

Ici, encore, je me vois dans l'obligation de ne donner que les noms de nos réfugiées devenues mères dans l'exil : Mme Peyron, Mme Georges Châtelain, Mme Léon Lemarchal, Mme Billet, née Raulin. Aux heureux parents, nos sincères félicitations.

Adresses.

Pour ne commettre aucune indiscrétion, nous ne publierons que sur demande des intéressés, l'adresse de nos réfugiés. Les Échos se mettent à la disposition de nos compatriotes pour répondre à toute demande de renseignements pour se retrouver.

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B. -  AUX  ARMÉES

Morts au champ d'honneur :

M. Clovis Boudréau, maréchal des logis d'artillerie, tué à Thieblemont.

M. Haution fils.

M. Nantien, employé de la banque Leduc.

M. Poulet (le tambour).

M. Lecomte (fils du marchand de chaussures).

MM. Catherain (les deux frères), domestiques chez M. Petit.

M. Lemaire, vétérinaire, chute de cheval à Lorient.

M. Leurs, capitaine d'infanterie, attaque de Champagne, 22 octobre 1915.

M. Léonce Ghatrix, tué à Tahure.

MM. Leturque (les deux frères), tués en Champagne.

M. Albert Daubercies, brancardier.

A cette liste, ajoutons quelques noms bien connus de notre région :

M. Arthur Carlier, de Montlôue, tué par un minnenverfer, le 16 octobre 1915.

M. Charles Fleury, de Noircourt, éclat d'obus.

M. Hector Godet, de Rennéval, éclat d'obus, 26 septembre 1915.

M. Alfred Bertrand, de Montlôue.

M. Bontemps, fils, de Montlôue.

M. Poidevin, quincaillier, à Rozoy-sur-Serre.

M. Joseph Poreau, de Magny, éclat d'obus à la tête.

M. de la Motte Saint-Pierre, de Rozoy, accident d'auto.

M. Noël, instituteur à la Ville-aux-Bois, tué à Verdun, mars 1916.

M. André Drapier, ingénieur agricole, sous-officier d'artillerie, titulaire de la croix de guerre, avec palmes, tué à Verdun, le 14 mars 1916.

Nos disparus :

M. Charles Douchy.

M. Léon Leduc, blessé à Beuvraigne, le 4 octobre 1914.  .

M. Cagneux, de Rennéval.

M. Farce, instituteur de Chery-les-Rozoy, blessé.

M. Noël Gharlet, 1er étranger, lre compagnie, bataillon D, division marocaine.

Nos prisonniers :

M, Sinet-Monnoy, charcutier.                                                                  -
M; H. Gosset, de Montlôue.
M. H. Coquet, de Dizy-le-Gros.
M. Oget, de Magny.
M. Legrand, de Magny.

M, A. Pérois, 351e inf., prisonnier de guerre, en traitement Hôtel des Bains, Yvendon (Suisse).

 

Nos blessés, nos malades, nos convalescents.

Sous cette rubrique, les Echos tinrent mensuellement nos lecteurs au courant des entrées et sorties de nos chers amis dans les hôpitaux et services de santé.

Ne seront donc mentionnés dans ce numéro que ceux actuellement en traitement :

M. H. Paris, sergent d'infanterie, en convalescence, 115, Grande-Rue, Argen-teuil (Seine-et-Oise).

M. Alfred Deflorenne, brigadier, convoi auto, matricule 305, blessé, en traitement à l'hôpital d'Issy-les-Moulineaux, Paris.

M. E. Toulouze, sergent au 154e, blessé, en traitement à l'hôpital 201, Bordeaux.

M. Louis Piermé, mâchoire fracturée, en convalescence dans sa famille.

M. Paul Mennesson, en convalescence à Verneuil-sur-Seine.

M. Durand, capitaine d'artillerie, éclat d'obus au pied.

M. Paul Lacambre (Nouveautés), grièvement blessé à la tête.

Réformés suite de blessures :

M. Alfred Bourgeois, amputé d'une jambe, 46, rue Championnet, Paris.

M. Simon, de Séchelles, actuellement Ferme de la Meule, par Nogent-1'Artaud (Aisne).

M. Paul Detrès, de Sainte-Geneviève.
M. Alfred Gosset, de Montloue.                                

Citations de nos braves:

Le capitaine kahn, du 1er régiment d'infanterie coloniale : « Le 1er septembre 1915, a pris, au cours du combat, le commandement du bataillon, l'a entraîné à l'assaut des positions ennemies de première ligne, blessé grièvement le 20 septembre, en entraînant sa troupe à l'assaut des deuxièmes lignes. »

Le sous-lieutenant René listre, de la 101e batterie de bombardiers : « Le 15 octobre 1915. a commandé le tir de ses canons de tranchée sous un bombardement extrêmement violent, avec un calme et un sang-froid remarquables, communiquant à ses hommes un entrain et un courage au feu dignes des plus grands éloges, » (Cité à l'ordre de la brigade.)

Jules gatherain, sous-lieutenant au 15e territorial : « Officier dévoué et de grand sang-froid, chargé des travaux de défense, accomplit sa tâche avec zèle, et au-dessus de tout éloge, et fréquemment sous le feu de l'ennemi, a su, les 27, 28 et 29 février, maintenir sa troupe en formation sous un bombardement intense. » (Ordre du régiment du 1er mars 1916.)

Henri paris, sergent au 120e : « Sous-officier courageux, a entraîné sa section à l'assaut avec la plus grande énergie, stimulant les hommes par son exemple. » (Ordre de la division, avec félicitations du Général, 28 mars 1915.)

Victor chéron, numéro matricule 17.728. sergent au 15e territorial : « Chargé des travaux de défense, les a conduits avec méthode et intelligence, constamment sur la brèche, de jour comme de nuit, fréquemment sous le feu de l'ennemi. N'a jamais cessé de donner le plus bel exemple à ses travailleurs, en restant au milieu d'eux pendant les bombardements, pour prendre les mesures de prudence qui convenaient. A ainsi évité bien des pertes. » (Ordre de la brigade du 4 mars 1916.)

Louis bailly, caporal au 132e d'infanterie : « Dans la nuit du 10 au 11 octobre 1915, s'est porté en avant et a installé un petit poste à quelques mètres d'un élément de tranchée allemande, en un endroit la surplombant et rendant la position de l'ennemi très critique par un jet continu de grenades ; l'a forcé à l'évacuer. » (Ordre de la brigade.)

Capitaine Durand, 5e régiment d'artillerie à pied : « Affecté au début de la mobilisation au service de chemin de fer à voie de 60 centimètres de la place de Verdun, y a montré, comme adjoint au chef de service, un zèle remarquable et a ensuite dirigé le service seul, pendant six mois, avec une activité inlassable, étant sur pied nuit et jour, presque sans repos. Très fatigué physiquement, est resté-à son poste très exposé pendant les premiers jours du bombardement de l'arsenal, donnant l'exemple d'un sang-froid remarquable, et n'a cessé son service qu'à la suite d'un accident dont il a été victime dans la nuit du 25 au 26 février, et qui a nécessité son évacuation. »

Portons aussi à la connaissance de nos amis, la citation à l'ordre de l'armée du Docteur decq, de Rozoy-sur-Serre : « decq, médecin-major de réserve, s'est spontanément porté, au cours d'un bombardement de nuit, dans la partie la plus exposée d'un village pour rechercher les blessés et leur donner des soins. »

Médaille militaire :

André nattier, caporal au 154e d'infanterie : « S'est toujours distingué par son sang-froid et son esprit d'initiative dans les moments critiques. Blessé grièvement à son poste le 16 septembre 1915. Amputé de la cuisse gauche. »

Les Échos se font l'interprète de tous, pour adresser à nos vaillants compatriotes nos plus sincères et vives félicitations.

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POUR  RETROUVER  NOS  POILUS

Sous cette rubrique nous insérons au fur et à mesure qu'elles nous parviennent les adresses de nos amis des armées ; les Echos font appel à toutes les bonnes volontés pour qu'on veuille bien l'informer des changements qui peuvent survenir, et compléter la liste.

Pour des raisons que l'on comprendra, je n'indiquerai pas les secteurs, mais des blancs sont réservés pour que chacun y puisse noter le secteur qu'il connaît, les Échos se tiennent à la disposition de tous pour compléter les renseignements.

ADRESSE   OU   SECTEUR

audin, Albert, 287e infant., 17e comp. ........

barbier, Gétare, 15e territ. infant., 15e comp.    .   .   .     Sainte-Anne-d'Auray.

beaucamp, 15e territ. infant., 14e comp..   ......

bernier, Paul, caporal, 15e territ. infant., 2e comp..   .

bernier, Henri, sous-lieut., 254e infant., 17e comp. .   .

blamontier, maréchal-logis, 29e régira, art., 29e batt. .

canard, Achille, 2e escad. train, cond. section hospitalisation .

carnoy, René, serv. de l'Aviation, esc. Morane-Saulnier.

garnoy, Robert, 61e rég. art., 9° batt., 42e division .   .

charbonnet, Ernest, 29e rég. art., 41e batt.   .....

chatry, Ernest, 15e territ. infant., 4e comp. .....

garlier, René, 109e rég. art. lourde, T. T. R., 27e sect. munit. 155 .................

caudron, Alfred, escad. territorial de dragons .   .      Montier-en-Der Hte-Marne).

catherain, Jules, sous-lieut., 15" territ. inf., 11e comp.

gharlier, René, 245e infant., 18" comp.    ......

chéron, sergent, 15e territ. infant., état-major .   ...

cosson, Raymond, 8e génie, détach. télégraphique  .   .

gharlet, Adhémard, 1er étranger, lre brigade de mitrailleuses, division marocaine. ........

daimé,  Louis, 1er rég. marche d'Afrique (zouaves), lre comp., dépôt intermédiaire, armée d'Orient, par Marseille ..................

debordeau-delignieve, ambulance 8-2' corps.....

decorce, Gustave, 15e territ. infant., 14e comp.   .   .   .    Sainte-Anne-d'Auray.

deck, Achille, 15e territ., S. H. R. .   ........

decelle, ambulance 1-65 .............

diancourt, Emile, 44e rég. art., 105e 1/2 batt. de 58 T.x

diancourt, Paul, escad. territ.  de cuirassiers  de  la

lie région, 4e peloton    ............    Meaux   (Seine-et-M.).

diancourt, Jean, 3e groupe cycliste, 3e div. de caval.   .

dosmann, Étierme, T. M. 216 pour convoi auto .   .   .   .    Bureau militaire Paris.

douce, Jules, conduct. convois auto, sect. parc 16   .   .    Bureau militaire Paris.

dronain, Louis, 15e territ. infant., 5e comp. .....

dumay, Julien, 6''escad. train des équip., C.V. A. D. 1/6.

durand, cap. 5e rég. art. à pied ..........

duval, brancard, division., 69e division.  ......

eisenhut, Jean (dit Guillaume), hôpital compl. 79   .   .    Rennes.

fayot, pharmacien aide-major, ambulance 2/52 . . . forget, capitaine, 15e territ. infant. 11e comp.. , . .

féry, brigadier de gendarm., 3e armée, quart, général. gondry, Fernand (Raymond-Guillaume), 22e art.,

3e sect. munit., 9e pièce, 151e batt. Frondes mécan. gouhoury, Jules, 4e hussards, 2e escad. .......

hennegrave, Pierre, G. B. G. 2    ..........

jumeau, Émilien, infirm., ambulance 4, groupe 2.   .   . jarot, René, 87e infant., conduct. train rég..   ....

jacob, sect. parc auto 50, arm. d'Orient, par Marseille. lagneau-canard, 245einfant., 24e comp.   ......

lagneau, Léon, 351° infant., 1'° comp.  ........

lagneau, Alfred, 245e infant., 18e comp.   ......

lambert, Emile, 61e rég. art., 5e batt.   .......

lançon, adjudant, 15e territ. infant., 88 comp. ....

legras, caporal, 15e territ. infant., 3e comp.   ....

lemarchal, Léon, aide-major, hôpital temporaire n° 4.    Amiens. hambourg, cond. 287° inf., 21e comp., 69e div. réserve.

manteau, Fernand, sous-lieutenant, 15e infant, territ.    Sainte-Anne-d'Auray. maupas, Jules, 19e chasseurs à pied, 4e comp. ....

meunier, médecin aide-major,  hôpital en campagne

complémentaire n° 35   ............    Paris-Plage.

moreau, René, 2e aviation, 3e groupe, Maison-Blanche.    Vincennes. nattier, Victor, trompette, 9e dragons, 2e escouade    . normand, Paul, infirmier, sect. hôpital .......

perroye, 351e infant., 21e compagnie.   .......

petit, Louis, maréchal des logis, 1er échelon de parc .

petithomme,   Abel,    sergent-major,   chef   de   groupe    Longpré - les - Corps -

G. V. G.   ..................        Saints (Somme). '

petitjean, Léon, 245e infant., train régimentaire .   .   .    Bureau militaire Paris. philippot, Paul, sergent, 45e inf , 2" comp. de marche,    Aïn-Séfia   (Sud-Ora-

2° gr. spécial   ................        nais).

râpée, Zenon, 9° territ. infant., 11e comp.    .....

redaud, François, conduct.-convoyeur, Bâtiment K.  .    La Part-Dieu (Lyon). renneçon, Maurice, 2e sect. G. 0. A., Parc de bétail du

2e corps.   ..................

H. romagny,  maréchal des logis, 19° batterie active,

3e rég. artillerie à pied ............    Secteur 139.

roger. Georges, 6e esc. train des équip., C.V. A. D. 1/6.

sinet, Jules, 29e rég. art., 41e batt.    ........

tourtois, Edmond, fourrier, 8° gén. télégraph.    .   .   .

vieville, Narcisse, 15e territ. infant., 3e comp..   ...

waroqueau, Fernand, 15e territ. infant., 4" comp.   .   .

wattebot, Camille, 2e sect. infirmiers militaires .   .   .    Boulogne-sur-Mer.

 

Complétons la liste par quelques noms connus de nos Montcornutois.

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lefèvre, Armand (maréch. de Noircourt), brigad. mar.,

8e S. M. A., 17e art.   .............

bertrand, Gabriel (Montloue), lieut. 246" inf., 18e cie . brandelet (Lislet), cond. train de comb., 128" rég. inf.

bugra, G. (Dizy), maréchal des logis, 108e art., 7e batt.,

5e groupe.   .................

garlié, Albert (Montloue), 18e chasseurs, 12e escad.    .    La Motte-sur-Heraj

(Deux-Sèvres).

carlier-pierront (Montloue), 15e territ., 4e comp.    .   . couturier, E. (Chaourse), train de combat n° 2, 245e infant., 5e bataillon ..............

dablain, Albert (Montloue), 1er rég. art., 62e batt.    .   .    La    Roche-sur-Yc

(Vendée).

decq (Dr de Rozoy), aide-major, 29e rég. art., 3fi gr.    . dussart, Paul (Chaourse), 26e sect. munit., parc 73.   . dussart, Jean (Chaourse), 29e rég. art., 27e batt. ...

foulon, L. (Chaourse), 3'' cuirass., gr. léger, section de

mitrailleuses   ................

fournier, Léon (Chaourse), 103e batt., 58 T. d'armée,

58e rég. art.    ................

girardot, Léon (Chaourse), sergent secrétaire, direct.

Intendance, 7e corps d'armée.  .........

keller, notaire (Dizy-le-Gros), serg., S. H.il., 15cterr.

infant. ...................

legris (maréchal, Montloue), 29e rég. art., 29e batt.

lépissier, Victor (Lislet), 15e territ., 3e comp. ....

nattier, R. (Chaourse), maréchal des logis, 17" art.,

4e batt....................

panier (Lislet), sous-lieut., 120e infant., 11e comp. . .

péon (Chaouree), 17e art. territ., grand parc n° 5,

groupe 2, 3e section  .............

rabouille (Lislet), adjudant, 2e sect. G. 0. A.   ....    Nantes.

Rocout-Bontemps  (Chaourse),   111e  lourd,  24e batt.,

4e groupe, corps expéditionnaire d'Orient ....

yverneau, Abel (Noircourt), 10e batt. du 29e artillerie .

yverneau, Lothe (Clermont), s.-off., 94e inf., 30" comp. Pléban (I.-V.).

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LES   TOMBES

Si pénible que puisse nous paraître cette question, il nous faut cependant l'aborder.

Sous ce titre, les Échos donneront tous les renseignements aussi précis que possible sur la dernière demeure de « nos braves ».

J'insiste d'une manière toute spéciale auprès de nos amis, les priant de m'indiquer le lieu, l'endroit précis (sans omettre les détails), où repose, jusqu'au jour de la délivrance, le corps de nos chers compatriotes « morts pour la France ».

Pour des raisons d'ordre supérieur, il peut arriver que je ne nomme pas ici le lieu, quand ce point sera sur le front, et de nature à intéresser l'ennemi.

Aux familles seules, et confidentiellement, je donnerai cette indication.

Extrait d'une lettre d'un ami, témoin de la mort de notre regretté

arthur CARL1ER

lir Novembre 1915.

« Je vous dirai donc que ce regretté Carlier a été inhumé après un service religieux au cimetière militaire des... où reposent déjà nombre des nôtres; ce cimetière se trouve près d'une maisonnette dépendant du château du B... et au nord de ce château; sa tombe, qui a tous les soins de nos brancardiers, est munie d'une croix et d'une plaque, elle sera donc facilement reconnaissable et permettra à sa famille de transporter ses restes. J'irai cet après-midi de Toussaint, etc... »

Extrait de la lettre d'une personne amie ayant été près de la tombe de notre vaillant Capitaine LEURS

Le 14 février 1916, en compagnie de mes cousins T... et L..., de Montcornet, venus en permission, nous nous rendions à Dormans (Marne), dans le but d'avoir des renseignements sur les derniers moments du capitaine leurs. Dans une modeste ambulance instituée dans une école maternelle, nous trouvions l'aumônier qui lui ferma les yeux, et voulut bien nous renseigner.

De retour de permission, le 20 octobre 1915, notre ami se rendait aux tranchées où il fut atteint le jour même par les gaz. Évacué le 21, et transporté en auto à l'ambulance, il reçut les soins du major. Bientôt le mal s'aggrava; sentant sa fin prochaine, il se confessa et, après une pénible agonie, il rendit le dernier soupir, le 22 octobre 1915, à 10 heures du soir.

L'aumônier nous conduisit au cimetière du pays au fond duquel une place est réservée pour les morts « au champ d'honneur ». Ils sont là sept soldats, au centre se trouve la tombe du capitaine. Toutes ces tombes sont surmontées d'un drapeau tricolore. La tombe quoique très simple est imposante; six piquets de chêne avec fil de fer l'entoure.

Une croix de chêne porte l'inscription suivante :

ICI   REPOSE   LE   CAPITAINE   HENRI   LEURS

du 245e d'infanterie, 23e compagnie, secteur 99

MORT   AU   CHAMP   D'HONNEUR LE   22   OCTOBRE   1915

Une seconde croix porte quatre couronnes : une offerte par les officiers du 245e, une par ses soldats, une de l'ambulance, une de ses amis.

Les habitants de la ville viennent mettre des fleurs sur chaque tombe. Les honneurs lui furent rendus militairement par les soldats du pays.

Le corps de notre dévoué et sympathique Marcel-André DRAPIER, maréchal des logis d'artillerie, repose près de Germon ville (Meuse).

Pour rassurer nos chers Montcornutois, l'auteur des Echos eut l'occasion d'aller faire une enquête auprès de nos familles envahies, et le 26 décembre 1915, il en donnait le compte rendu sous ce titre :

NOËL = ÉCHOS

A mes Amis des Armées et Réfugiés de " Chez Nous "•

Sur le Front ...,  16 décembre 191 5.

En cette belle nuit de Noël 1915, à l'heure où les pieds dans la boue des tranchées, l'œil au créneau, le doigt sur la détente, vous veilliez à notre sécurité... à l'heure où dans quelques cantonnements de repos, vous vous prépariez peut-être à fêter Noël... à l'heure où, chers réfugiés, vous vous apprêtiez à partir pour entendre la Messe de Minuit... vous ne pensiez pas que les Échos allaient de nouveau quitter leur grotte pour faire un tour au pays et vous en rapporter les meilleures nouvelles.

Quel « mystérieux Passeur » déposa votre serviteur au milieu de ce bois charmant, d'où les Échos tirent leur nom ! je l'ignore. Mais laissez-moi seulement vous conter ce que j'ai vu « là-bas ».

Passant près du cimetière, j'y entrai pour prier sur les tombes de nos chers défunts, connus et inconnus, qui depuis notre séparation dorment en paix.

De là, je me rends au presbytère.

Comme il est bien changé notre vénéré doyen ; vaincu par la fatigue et les privations, il s'est endormi dans son fauteuil, laissant retomber sur ses genoux son bréviaire qu'il n'a pu achever.

Au bruit que fit la porte, il se réveilla en sursaut.

Je me fis reconnaître.

Comment vous dépeindre cette scène inoubliable, où les plus grandes joies du revoir se mêlent aux plus poignantes angoisses de l'incertitude et du doute.

De suite il me demanda de vos nouvelles.

Je lui fis part de nos morts, de nos disparus, de nos prisonniers, de nos blessés... et j'ai vu de grosses larmes couler sur ses joues.

A mon tour je voulus l'interroger sur le sort des chers nôtres, qu'allait-il me répondre ?

« Chut !... me fit-il, venez demain à la messe de 7 h. 1/2, et venez me dire au revoir. »

II me faut partir, l'heure approche, et Père Noël m'a donné rendez vous là-haut, à la chapelle du Calvaire, je n'aurais garde d'y manquer.

Quelle émotion étreint mon âme, quand en passant devant notre belle salle de Patronage, je ne vis plus flotter le drapeau tricolore, et qu'à l'intérieur l'image de la vierge lorraine n'était plus « à l'honneur ».

Le cœur bien gros, je remontais la rue du Calvaire, mes pensées se reportaient au temps où jadis, dans un décor de théâtre, un bel arbre de Noël « chaudement » garni par vos soins, chers réfugiés et bienfaitrices, émerveillait nos enfants...

Où en sommes-nous de nos promenades... de nos jeux... de nos séances récréatives... de nos doux entretiens avec les jeunes, quant tout cela reviendra-t-il?

Comme je me livrais à ces réflexions, le bruit d'un moteur attira mon attention... une auto filait à toute allure dans la direction de Rozoy-sur-Serre.

A la lueur des phares puissants, je pus distinguer, à gauche de la grande route, cette allée bordée d'arbres demi-séculaires qui conduit à la chapelle du Calvaire... je pus voir au loin la grande croix de pierre, où le Christ, les bras entr'ouverts, le regard tourné vers la terre, semble attirer à Lui le voyageur qui passe, et lui dire :

« Viens à moi, toi qui souffre, car j'ai souffert, et jeté soulagerai.

« Viens à moi, toi qui pleure, car j'ai pleuré, et je te consolerai. »

*

* *

Doucement, je pénètre dans le sanctuaire qu'éclairé faiblement une lampe. Et là, dans le silence et la prière, j'attends le « céleste visiteur ».

«Dong! Dong! Dong! Dong! Dong! Dong! Dong! Dong! Dong! Dong!... »

Minuit! chrétiens, c'est l'heure solennelle, Où l'Homme-Dieu descendit jusqu'à nous.

Mais d'où sortent ces voix mystérieuses? D'où vient cette éblouissante clarté?... Comme c'est beau!... le ciel!...

Les chants ont cessé... la lumière disparue...

Debout, près de l'autel, un auguste vieillard à barbe blanche, au long manteau d'hermine, me fait signe d'approcher.

C'est Père Noël!!!

Sur la nappe de l'autel, des paquets de bonbons, des figues enveloppées d'un papier d'argent, sont alignés.

Père Noël n'a point de jouets cette année.

Nous sortons.

Père Noël n'oublie personne, et si quelquefois il passe une demeure, c'est que là, ses petits protégés n'y sont plus.

C'est qu'ils sont en exil... Mais Père Noël n'oubliera pas non plus ses enfants réfugiés.

Dans les rues, des groupes d'officiers et de soldats allemands sortent des cafés germanisés pour rejoindre leurs cantonnements.

Près de la cheminée, deux petits souliers un peu usés attendent la surprise que tout à l'heure Noël va déposer.

Sur la tablette de marbre, près de la pendule, une photographie (celle du papa sans doute) que chaque soir, avant de faire « dodo », bébé embrasse.

Au milieu de la chambre, dans le petit lit de fer, l'enfant repose... Père Noël veut le voir, le bénir avant de garnir les petits souliers... Et, doucement, l'ange gardien écarte le rideau bien blanc, et bébé lui sourit. Il sourit à Noël qui arrive, il rit aux éclats...

Il rêve ! pense la jeune mère que ce rire vient d'éveiller, et contemplant avec amour l'enfant qui sourit... la jeune femme sourit à son tour.

Père Noël est passé. Curieuse, la maman veut voir ce qu'il peut bien y avoir dans les petits souliers . près de la cheminée.

Oh! surprise! sa poupée! sa poupée de petite fille, sa poupée qu'elle tenait précieusement cachée dans le fond d'un tiroir, comme on conserve une relique. Sa poupée que Père Noël avait retrouvée... et parée comme aux plus beaux jours de fêtes...

Bon Noël... va!

*

* *

Et dans chaque demeure, chers amis, j'ai été témoin de cette scène touchante.

Mais pourquoi, dans quelques foyers, ai-je rencontré ici un ange à la longue robe de deuil !

Tour à tour, je les ai questionnés.

« Je suis, dit l'un, l'ange gardien de celui qui n'est plus. Désormais, je remplace auprès de la mère éplorée le fils tombé au champ d'honneur.

« Je suis, dit l'autre, l'ange gardien de ce père de famille, mort pour la France, qui maintenant repose dans quelque coin de l'Argonne, de l'Aisne, de la Champagne ou de la Meuse, désormais je remplace au foyer le chef disparu,

« Nous sommes les messagers du bon Dieu qui, au retour, viendront à la porte de vos cœurs, pour vous rappeler les paroles de notre divin Maître : «Consolez la veuve, secourez l'orphelin. »

Cette fois, j'ai compris la bonté de Dieu, qui jamais n'abandonne les petits

et les faibles.

*

25 décembre  1915,  7 h. 1/2 du matin.

Que de monde à l'autel de la Sainte-Vierge, tous les bancs sont garnis, quelques uniformes kaki tranchent sur le noir, dont les nôtres sont vêtus.

Le prêtre maintenant donne la sainte communion, chacun reprend sa place, et à ce moment je pus voir les visages des êtres chers que nous avons laissés «là-bas ».

Je les ai vus plus calmes, plus résignés, j'ai vu la joie s'épanouir sur toutes les figures, j'ai entendu la prière du cœur, j'ai entendu prononcer votre nom.                                            '

Mais comme les autres années, je n'ai pas revu la crèche qu'une main habile dressait près de l'autel du Sacré-Cœur. Je n'ai pas entendu bébé faire ses petites réflexions, et demander à sa maman pourquoi « le gros bœuf voulait manger le petit Jésus ».

Lentement les fidèles sont sortis... sur le parvis de petits groupes se forment... on cause à voix basse... Avez-vous des nouvelles... et vous?...De nouveau je me rends au presbytère, cette fois notre doyen est souriant.

 

« Je compte sur vous, me dit-il, par la voix des Echos, pour dire à mes chers agneaux qui se battent aujourd'hui comme des lions, que le vieux pasteur les attend pour les bénir, comme il les bénit autrefois, comme il bénit jadis leur union.

« Dites bien à nos bons réfugiés qu'il me tarde de les revoir tous bientôt dans leurs foyers, près de leurs familles qui soupirent après eux.

« Rappelez-leur bien à tous que.,. »

A ce moment la porte s'ouvre, la vieille bonne, d'une voix encore mal assurée, annonce : Herr von schoobermann.

Chers amis lecteurs, pardonnez-moi d'avoir abusé de vos précieux instants. Ne vous semble-t-il pas bon de causer ensemble du pays? N'est-il pas meilleure occasion d'en parler qu'en ces jours de fêtes de famille ?

Que ce ne soit pas pour nous une occasion de tristesse. Aimons à évoquer les doux souvenirs du passé, ils nous aideront à mieux supporter les épreuves du présent, à fortifier notre confiance en l'avenir.

Ces beaux jours reviendront, s'il plaît à Dieu. C'est le vœu que je forme pour vous tous en l'occasion de la nouvelle année qui commence.

Bon courage et confiance... toujours. Noé Lécot de « Chez nous ».

H. R.

Les " ÉCHOS " à ses chers lecteurs et aimables  lectrices-

Comme auparavant, les Échos de chez nous paraîtront mensuellement, autant que les circonstances le permettront.

Ils continueront à être adressés gratuitement à nos amis et réfugiés, lecteurs d'aujourd'hui comme ceux à venir, qui m'en feront la demande.

Cependant, pour ce qui concerne ce numéro spécial, les Echos vous doivent un aveu...

L'impression coûte cher, étant donne le tirage restreint... le papier... la main-d'œuvre, sont aussi à mettre en cause. Et, pour cette raison, les Échos se trouvent dans la pénible obligation d'en limiter la distribution gratuite.

Pour ceux donc qui voudraient plusieurs exemplaires, soit pour eux ou leurs amis, je les laisserai au prix de 0 fr. 85 la plaquette.

Qu'il me soit permis d'insister à nouveau auprès de mes amis et chers réfugiés pour les prier de me tenir au courant de tous les événements.                                                                                  ,

Par les Echos, nos Montcornutois seront renseignés ; est-il bon d'ajouter que les Échos n'ont pas la prétention de remplacer les journaux, très intéressants et documentés d'ailleurs, des réfugiés de l'Aisne.

Son rôle est plus modeste, il renseigne sur ce qu'il sait et sur ce qu'on lui dit, il veut être plus local, se sentir en famille, causer en ami, parler de ceux que l'on a quittés, comme de ceux qui s'exilèrent et qui attendent le retour. Rappeler le souvenir de ceux qui ne sont plus et, avec vous, prier pour eux.

Il veut s'entretenir avec nos chers combattants, les suivre pas à pas dans la tourmente, partager avec eux les mêmes angoisses et les mêmes souffrances, comme aussi partager avec tous les mêmes espérances et les mêmes joies.

Bon courage et confiance... toujours.

henri    ROMAGNY,

Maréchal des logis,       3e régiment artillerie à pied,

19° batterie    active,  Secteur  139.

 


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