Le Chêne colossal de Trucy

Vandalisme Allemand

Entre Laon et la rivière d'Aisne, existe une région agréablement accidentée.

Aux temps géologiques, elle a été surtout formée, de dépôts de sables, sur un fondement de craie et d'argile. Une petite couche d'argile la recouvrit ensuite, puis des couches de calcaires variés, plus ou moins épaisses, et par dessus le tout, une couche d'argile. Au moment où les eaux ont quitté la région, par suite du soulèvement lent du sol, le sable a été enlevé, en partie, partout où le calcaire ne le protégeait pas suffisamment. Pendant les temps suivants, cette action s'est accentuée, produisant un pays formé de plateaux, à contours échancrés, d'une centaine de mètres au-dessus du fond des vallées et, naturellement, tous de même formation géologique.

Cette région est coupée, de l'Est à l'Ouest, par la vallée de l'Ailette. Entre l'Aisne et l'Ailette est le massif' du « Chemin des Dames », qui est maintenant de célébrité mondiale, peu découpé sur le front Nord, mais profondément déchiqueté sur le front Sud. Au nord de l'Ailette, vers Laon, qui en est un îlot détaché, un autre massif également fort entamé.

Trucy appartient à une chaîne de villages, allant d'Urcel à Corbeny, situés au bas des pentes méridionales de ce massif, ayant la colline pour les protéger des vents du Nord, devant eux les prairies de la vallée, et, comme rideau de fond, le massif du Chemin des Dames.

 En y pensant, ces villages ont tout ce qu'il faut pour rendre l'homme heureux parce qu'il peut y trouver tout ce qui est nécessaire au bonheur. Le sol fournit des matériaux de première qualité pour construire les habitations, et leur excellence est prouvée par les nombreuses constructions anciennes qui abondaient dans cette région pittoresque. La terre est variée comme constitution, exposition, humidité ce qui permet les cultures les plus variées : Sur les plateaux viennent les produits de la grande culture; sur les pentes cultivées à la bêche, l'asperge, la vigne, le haricot, les céréales donnent des produits estimés en collaboration avec les fruits des pommiers, des cerisiers, des pruniers, des noyers et des groseilliers. Où la pente est trop raide ou exposée au Nord, des bois occupent le terrain.

Au bas des pentes, les eaux d'infiltration glissent à faible profondeur sous la riche terre humifère, ce sont alors les vrais jardins et vergers, terre d'abondance où toutes les cultures horticoles de notre climat sont possibles. Enfin, au-dessous, la vallée avec ses prairies humides.

Mais pourquoi en parcourant ces villages qu'on devrait considérer comme des paradis, les trouve-t-on désertés ? Pourquoi eux qui vont alimenté les villes ne retiennent-ils plus leur jeunesse? Pourquoi celle-ci préfère-t-elle à la vie poétique, libre, calme au milieu d'une nature attrayante, la vie décevante des villes dans les logements étroits, dans la poussière et le tintamarre ? Peut-être en trouverait-on la raison, dans une éducation mal comprise ; dans le désir, toujours mis en éveil, de faire fortune, avec l'espoir de trouver, par elle, le bonheur ; dans ce surmenage, que les parents, désireux de s'enrichir, imposent à leurs enfants, en entreprenant une culture plus importante que celle qu'ils devraient conduire ; qui les fait rentrer à la maison, avec le dégoût d'un travail excédant et ininterrompu, au lieu d'y revenir avec la sensation de bien-être, que donne le travail normal.

En dehors de ces avantages qu'il a en communauté avec les autres de la vallée, Trucy, qui avait environ 150 habitants avant la guerre, avait comme curiosités :

Des maisons d'un caractère particulier. — Les pièces d'habitation se trouvaient au-dessus d'un rez-de-chaussée peu élevé où étaient un fournil et des débarras, et on y accédait par un escalier extérieur en pierre, souvent orné de vigne, de rosiers grimpants, de lilas et autres arbustes d'ornement qui leur donnait un cachet pittoresque. Malheureusement dans la ruine presque complète du village on ne peut plus retrouver les types les plus charmants.

Une petite église romane. Elle était bien prise dans ses proportions et l'ornementation était typique de l'époque ce qui lui avait valu d'être classée comme monument historique. Mais, elle aussi est anéantie, il n'en reste que quelques pans de murs ; des déblais on a tiré les fragments de sculptures qui ont été remisés avec soin.

Un chêne remarquable. — C'était un arbre de liberté planté en 1792, au milieu d'un espace triangulaire, à un carrefour de chemins à la sortie du village vers Lierval. Avec de l'espace, un bon sol profond et fertile qu'un étang voisin entretenait en humidité favorable, il prospéra.

En 1893, la commune, fière de son chêne pour son origine et sa grosseur, car alors il couvrait toute la place de sa ramure et il fallait cinq hommes les bras étendus pour le ceinturer, fêta dignement le centenaire de sa plantation, et une brochure fut éditée relatant les documents qu'on possédait à son sujet.

Mais Trucy fut occupé pendant la guerre par les allemands en face de ce chemin des Dames où ils eurent maintes déceptions, il était inévitable que leur rage ne se fit sentir sur ce colosse végétal : c'était une curiosité, il fallait qu'elle disparaisse comme devait disparaître le château de Coucy. Avec une tarière ils firent une série de trous, encore visibles à la base sur le pourtour de l'arbre, les bourrèrent d'explosif, puis provoquèrent l'éclatement qui abattit le colosse sur la maison voisine.

Trucy, en mémoire de son vieux chêne, de la paix victorieuse qui nous a fait échapper à l'esclavage nous attendant si nous avions été vaincus, a replanté un jeune chêne près de l'emplacement de l'ancien. Nous souhaitons à sa population de faire, dans cent ans, une nouvelle fête devant un chêne majestueux et de se remémorer les temps terribles que ses ancêtres et le monde entier ont traversés, causés par l'orgueil dément d'un souverain et de son corps d'officiers qu'excitaient des industriels cupides rêvant d'une hégémonie allemande.

 

 

 


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